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Procope2009
31 juillet 2021

juillet 2021 Terra Alta de Javier Cercas

Nos échanges se poursuivent malgré l'éloignement, le Covid, le froid...Aux Tuileries, durant un mois de juin à la météo surprenante, chacune a évoqué ses lectures . Mais il fut aussi question d'un livre de Javier Cercas, écrivain espagnol que nous connaissons depuis Les Soldats de Salamine, L'anatomie d'un instant...Ce livre, paru en 2020, Terra Alta, est un vrai succès de librairie en Espagne. Sa lecture suscite dans notre groupe des réactions diverses que je restitue : d'abord, celle d'Annick, pour l'instant sous d'autres cieux, et puis la mienne. On reparlera de ce livre quand vous l'aurez lu et si vous le souhaitez...

 

Chères lectrices (à ne pas confondre avec des lisantes, comme on dirait sûrement aujourd'hui)...
je m'étais fixée de vous envoyer mon avis sur Terra Alta, car je savais qu'il était au programme.
...Pour en revenir à Javier Cercas, j'ai lu le blog et je n'ai pas bien saisi votre jugement sur ce roman. Personnellement j'en ai été très déçue , d'autant que j'apprécie beaucoup cet auteur.
Bien sûr, l'inspiration puisée par le personnage dans Les Misérables, et , moins attendu, le choix paradoxal de Javert comme idéal à suivre, ne peut que séduire, même s'il en fait un peu trop dans la référence (la fille Cosette!). Il reprend d'ailleurs une démarche de son roman "non fictionnel" l'Imposteur,dont une grande partie exposait une réflexion sur la puissance de la littérature , sur le réel et la fiction, sur la construction de chacun comme personnage social, en s'appuyant sur le Don Quichotte. Et il me semble que c'était beaucoup plus complexe et intéressant.
Pour moi , le parti pris polar ne fonctionne pas : le début hyper gore démarre très fort, et ne débouche pas sur grand chose dans l'économie de l'intrigue. Admettons que c'est une concession au genre, mais le reste de l'intrigue est lourde, mal ficelée, et ce n'est pas traité non plus avec assez de désinvolture pour faire de ce polar un genre prétexte. Le dévoilement progressif du personnage et de son passé est assez bien mené et empêche qu'on s'ennuie ferme. 
Bien sûr on comprend dès le début que le dénouement aura à voir avec le refoulé de la guerre d'Espagne, et que Melchior finira par réaliser ce qu'Hélène a traduit , quand il prend son bain purificateur à la fin, car c'est la réflexion qui parcourt tous les livres de Cercas. Je me dis qu'il réussit mieux dans le genre non fictionnel, enfin roman non fictionnel que dans le roman et que ses personnages manquent terriblement d'épaisseur. De même, j'ai été déçue qu'il n'arrive pas à mieux faire vivre ce bout du monde âpre et désolé, où les humiliations, la résignation et la mémoire de la guerre civile semblent inscrites dans les paysages même. J'ai eu l'occasion d'aller en Aragon, où j'ai eu exactement la même impression, et je m'attendais à ce qu'il fasse sentir ces lieux très frappants autrement que par du déclaratif. 
Bref, j'aimerais beaucoup avoir votre avis, car je suis étonnée par le concert de louanges que j'ai lues et je me dis que je suis peut être bien injuste!
J'écrirai sur quelques autres lectures.

Merci Annick pour ta réponse et pour ta critique équilibrée, fouillée et que je rejoins sur plusieurs points: l’intrigue policière prétexte, le manque d’épaisseur des personnages sauf du personnage principal où l’auteur se projette : sa dimension de journaliste justicier, sa lecture originale des Misérables, son rapport à la lecture et au roman, sa culture nourrie de quelques uns de nos écrivains français, sa fascination pour la bibliothèque…, pour ma part, je découvre sa mentalité catalane -espagnole.
- Oui, il veut faire un roman populaire (au bon sens du terme) : il veut montrer que les cicatrices invisibles de la guerre civile continuent à travailler et à fracturer la société espagnole puisqu’il n’y a pas eu de réconciliation nationale après la dictature.
Je le soupçonne d’avoir été marqué par l’impact de Patria (F. Aramburu) qui  a contribué à l’apaisement du terrorisme basque et à la réconciliation des factions antagonistes. Exemplaire.
- Oui, la construction du roman est intéressante et savante par les nombreuses analepses où nous découvrons le passé de Melchior (la vie de la  mère prostituée, le tapinage pittoresque m’ont fait penser à des films d’Almodovar) et l’origine de sa vocation de policier.
- Oui, pour l’insuffisance de la  relégation et la pauvreté de Terra Alta (ils ont une bibliothèque ! Des restaurants, une vie sociale développée à l’espagnole)
J’ai lu le livre en espagnol et j’étais prête à en accepter certaines démesures à l’espagnole, comme les invraisemblances - le mode opératoire du triple crime, mis en scène par un commanditaire qui sort du placard dans les dernières pages pour boucler l’intrigue policière) .
Je continue avec plaisir à suivre le même personnage de Melchior dans Indépendance, le dernier roman de Cercas.

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