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Procope2009
11 octobre 2023

Eté Indien au Procope

 

 

Réunies au Café Beaubourg, ce mercredi 4 septembre, nous sommes restées au rez-de-chaussée : là-haut, au premier, notre « grande » table ronde est restée inaccessible !

Nous avons commencé par dire deux mots sur Les Sources de Marie-Hélène Lafon, dont nous avons lu d’autres titres comme Histoire du fils (Renaudot 2020).

Une belle plume, certainement. Elle fouille dans les secrets, les non-dits de ses personnages, captant leur vie intérieure à travers les occupations quotidiennes. Dans Les Sources, elle présente successivement, dans deux parties les points de vue des deux personnages, la femme battue qui, brutalement, un dimanche lors du repas de famille chez ses parents, décide de ne plus retourner chez elle, et de quitter, avec ses trois enfants, le mari violent ; ce dernier donne aussi son point de vue sur une femme qu’il méprise, qu’il trouve « trop molle » comme son père à elle. Il continue sans elle à agrandir, à faire prospérer son exploitation agricole, sans aucun remords sur le désastre humain, se préoccupant seulement du coût des pensions alimentaires pour ses enfants, de la transmission vers un fils qui ressemble trop à sa mère pour lui succéder, et ne pouvant retenir les deux filles, dont le caractère lui plait davantage mais, empêchées de prendre la suite car elles sont des filles. Ce sont elles, devenues grandes, qui, à la mort de leur père, vendront le domaine, où elles ont pourtant leur « source », leur commencement, une source alimentée par les jeux innocents de l’enfance dans une nature sauvage, mais aussi par la terreur de leur mère.

Ce n’est pas une auteure « facile » : Daisy a souligné la rudesse de la langue à l’image du monde paysan dont on retrouve la mentalité ; et toutes nous avons avoué notre agacement devant la posture professorale que garde l’auteure pour parler de ses livres. De plus, son analyse littéraire vise à décrypter un monde opaque, plein de secrets, de non-dits, d’arrangements cachés ou tacites où l’on ne peut se comprendre, où chacun reste seul. Il y aurait beaucoup à dire sur les lignes de faille qu’explore Marie-Hélène Lafon.

 

Stendhal fut notre compagnon de vacances. La plupart d’entre vous avaient choisi de lire Lamiel, roman inachevé dont le personnage principal est une jeune femme. Orpheline, elle est adoptée par un couple de bigots provinciaux, les Hautemare auprès de qui elle s’ennuie à mourir. Elle devient lectrice de la duchesse de Miossens. Guidée par la curiosité, elle s’instruit par les livres, ne négligeant pas pour autant l’expérimentation, si l’on en juge par son initiation amoureuse qu’elle conduit auprès d’un jeune paysan. Elle a de l’audace comme un autre personnage plus connu, la Sanseverina dans La Chartreuse de Parme que Simone et moi avons lu. Concernant les femmes stendhaliennes et l’audace, Nathalie (qui a passé de Lamiel, au Rose et le vert (nouvelle) puis aux Chroniques italiennes) dit combien elle aime les femmes de Stendhal, où la beauté se joint à l’esprit, à l’audace, à l’intelligence, sans parler de l’amour qui les conduit au dépassement de soi.

Dans la Chartreuse de Parme, c’est un tout jeune homme qui est le personnage principal, chaperonné, il est vrai par sa tante, la duchesse de Sanseverina, qui l’aime et l’aide à réaliser son rêve de rejoindre Napoléon en 1815, ce qu’il fait à Waterloo. Echappant au désastre qu’il ne comprend qu’après coup, dans les coulisses, il réussit à rejoindre l’Italie. Indésirable dans la maison paternelle, il retrouve la protection de sa tante, devenue la maitresse du premier ministre de Parme, le Comte Mosca. Le voilà emprisonné au terme de moultes péripéties et intrigues. Lui qui se croyait imperméable à l’amour, s’éprend de la fille de son geôlier, Clélia Conti. Amour impossible qui conduit à la mort. C’est un roman étonnant, écrit en deux mois, fruit d’une improvisation constante, où l’on voit se déployer l’énergie, le courage propre aux héros stendhaliens, où l’on voit surtout l’amour de l’auteur pour l’Italie et sa langue, et sa culture. J’ai adoré ce livre, pour ma part, même si je trouve que Fabrice est un anti-héros, « un « grand dadais » qui se met dans des situations invraisemblables parce que « il se la joue » sans cesse pour lui-même, par une peur constante de la médiocrité… En même temps cette grande exigence pour lui-même, l’amène constamment à se dépasser et à devenir « héroïque ».

 

Danièle nous a fait découvrir Robert Bober, réalisateur, metteur en scène, écrivain français d’origine allemande (né à Berlin en 1931). Il fut un ami de Georges Pérec. Elle a lu de lui Berg et Beck, roman autobiographique, roman sur l’enfance, puisqu’on y raconte l’amitié très forte entre deux enfants juifs, Berg et Beck et leur vie à Paris lorsqu’ils fréquentaient la communale. Un matin, Beck et ses parents sont emmenés au Vel d’Hiv, lors de la rafle réalisée par la police française pour l’occupant nazi.

Ils ne se reverront plus. Devenu moniteur de colonie de vacances pour la Commission centrale de l’Enfance, chargée des enfants de déportés, Berg écrit à son ami des lettres qui ne seront jamais lues par leur destinataire où il égrène les souvenirs communs, si vivants dans son esprit. Des lettres en hommage aux morts et en supplique aux vivants. Une double destination fascinante …

 Elle a lu aussi une vie ( ?) de Robert Desnos où l’on montre son engagement, sa rencontre avec Breton et le mouvement surréaliste, ses expériences stupéfiantes d’écriture automatique, son engagement dans la Résistance, sa mort en déportation, libéré pourtant, mais on ne pourra le sauver du typhus. Il a écrit une œuvre poétique très belle, peu connue. Merci Danièle de nous avoir conduites à cette œuvre pour la revisiter.

Marie a lu avec plaisir Le dit de Tian-yi de François Cheng, un auteur que nous connaissons à divers titres, comme essayiste, romancier ou poète.

Annick a aimé également Les Désorientés d’Amin Malouf, qui soulève le problème des chrétiens d’Orient.

Simone a lu un livre inclassable, La Cour aux Esprits, de H.R. à la fois réflexion sociologique sur la misère, récit autobiographique de la petite enfance, qui s’attache à un lieu précis, la cour de la mairie (lieu de pouvoir) une cour à l’importance ethnographique (quand y vivent des marins dans une société maritime), cadre de vie de l’après-guerre, en pleine crise du logement ; laboratoire d’écriture qui mêle le poème, la nouvelle, à l’essai…

Vous aurez remarqué que le titre doit quelque chose à Isabel Allende car le texte a cette même prétention de ramener à la vie des gens modestes depuis longtemps disparus : il s’agit bien de les faire « revenir ».

Voilà un plaidoyer pro domo…En tous les cas une présentation positive avec toutes les nuances qui s’imposent ! Simone a été sensible à l’aspect ethnographique de ce texte.

Nous avons prévu de nous revoir après le voyage de Christiane, le mercredi 29 novembre avec Quichotte de Salman RUSHDIE et Triste Tigre de Neige Sinno dont Nathalie n’a pas eu le temps de parler, elle est convaincue de la qualité et de l’originalité de cette écriture.

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