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Procope2009
23 janvier 2016

Par une nuit glaciale de janvier

Dix-huit heures, Beaubourg, mercredi 20 janvier, beaucoup d’animation à l’étage. Mais l’homme au catogan était absent…

Comme l’étaient Danièle, Annick, Christiane, Nathalie (L), retenues par diverses obligations.

Nous étions donc cinq, autour de la table.

 

Philippe Joseph Salazar avec ses Paroles Armées a retenu l’attention de Daisy. L’auteur a eu pour ce livre le Prix Essai France Culture (prix Bristol des Lumières sous la présidence de Jacques Attali). Comme l’a fait V. Klemperer pour le langage des Nazis dans LTI, La langue du troisième Reich, il veut en effet étudier la rhétorique des terroristes islamistes pour montrer comment celle-ci atteint des cibles bien précises afin de les attirer dans leur sillage.

 

Leila Mahi de Didier Blonde, lu par trois d’entre nous, a été jugé intéressant par son propos (sortir de l’anonymat par des recherches biographiques, un nom et une photo –sensuelle!- aperçus au crématorium du Père Lachaise), mais un peu décevant par le manque d’envol de l’écriture. 

C’est une enquête comme dans ses deux premiers livres, Suzanne Grandais (artiste du muet, morte dans un accident de la route), et L’Inconnue de la Seine (qui hanta les artistes du début du XXème siècle). 

Avec l’essor du roman policier, l’enquête biographique, qu’elle soit policière, historique (mais quel est le registre?) est-elle en train de gagner ses lettres de noblesse? On serait tenter de le croire en constatant que l’auteur se maintient dans ce genre, somme toute superficiel, quand on sait qu’il a évacué très vite le destin littéraire de cette Leïla Mahi, qui écrivit deux romans.

Et puis une enquête met l’accent sur le travail de collecte et d’authentification des faits et des documents, et donc à une mise en scène de l’enquêteur, ce qui ne va pas toujours sans complaisance, qu’en pensez-vous? 

Juste une belle image troublante, Leila Mahi? Ne serait-elle qu’un fantasme d’un narrateur, mis en scène pour justifier l’entreprise? Quelqu’une a parlé de Modiano qui s’en tire bien mieux sur de telles « pistes ».

 

Pour rester dans le “biographique” comme on dit en classe de première, il fut question de la vie de Daphné du Maurier, Manderley for ever, biographie écrite par Tatiana de Rosnay, l’auteure à succès de Elle s’appelait Sarah.

Livre passionnant, documenté, construit, bien écrit, d’après Daisy, qui renvoie à l’oeuvre romanesque de cette Anglaise au nom bien français! RebeccaL’Auberge de la JamaïqueMa Cousine RachelLa Maison sur le RivageLes Oiseaux… ont souvent pour cadre les Cornouailles anglaises où vécut l’auteure. Daisy fait remarquer que l’écriture des romans de Daphné du Maurier, ménage toujours un certain suspense qui contribue au plaisir de la lecture. 

Faut-il ajouter que la vie de Daphné du Maurier, écrivain très connue après le succès  deRebecca, a fait l’objet d’une première biographie en 1993, écrite par Margaret ForsterThe Secret Life of the Renowned Storyteller, qui révélait son homosexualité. 

 

Lire une biographie de Daphné du Maurier permet de se rendre compte de l’importance de son oeuvre qui ne fut pas seulement romanesque : des nouvelles, des essais, du théâtre, des recherches biographiques sur sa famille, et sur des artistes… 

Le cinéma a fait son miel de plusieurs de ses romans ou nouvelles, qui continuent d’inspirer les artistes contemporains désireux d’explorer le passé avec elle. 

Deux livres d’elle m’attendent depuis quelques années, La Crique du Français et Castle Dor…A lire absolument!

Dans le même registre, Simone a parlé de sa lecture du Paradis un peu plus loin de Vargas Llosa, qui retrace la vie de Gauguin et de sa grand-mère, Flora Tristan. Après des débuts laborieux, bien appliqués, où l’auteur progresse alternativement dans ces deux vies, le récit s’étoffe, prend de la chair et de l’âme , et devient très intéressant.

 

Nous avons accordé une large place à Svetlana Alexievitch, Ukrainienne, prix Nobel de littérature 2015, que nous connaissions pour avoir lu La Supplication, consacré à Tchernobyl. Daisy avait lu La guerre n’a pas un visage de femme, qui l’a passionnée par la richesse de ce qu’elle apprenait –les femmes soldats lors de la deuxième guerre- et par la rigueur du récit comparable à celle de l’ouvrage anonyme, Une Femme à Berlin. Svetlana Alexievitch retrouve la parole de ces femmes, héroïques, complètement déconsidérées, puis tombées dans l’oubli après la guerre.

En raison du prix Nobel, tous ses ouvrages sont traduits en français et se trouvent facilement en librairie.

 

Quoi d’autre? 

 

Toujours dans le biographique, Sauve qui peut la vie  de Nicole Lapierre, sociologue, directrice de recherches au CNRS, qui développe de livre en livre, une réflexion de qualité sur l’identité. Ce livre a obtenu le Prix Médicis de l’essai en 2015. Voilà une autre façon, radicalement différente, de raconter la vie, en inscrivant l’histoire personnelle dans l’Histoire avec la grande hache comme disait Perec :

- en interrogeant la répétition des faits (« dans ma famille on se tuait de mère en fille. Mais c’est fini. Il y a longtemps déjà  je me suis promis qu’accidents et suicides devaient s’arrêter avec moi »), 

- en comparant les immigrés d’hier et ceux d’aujourd’hui (« comparer ce n’est pas abraser les différences, c’est postuler qu’il y a à la fois du divers et du semblable : des spécificités culturelles et des singularités historico-sociales fortes certes, mais aussi une expérience humaine commune » p.187, 

- en réfléchissant sur les supports traditionnels de l’identité que sont la langue et le patronyme, 

- et surtout en refusant les modèles culturels prégnants de notre époque, l’intérêt pour toutes les victimes confondues, qui noie les causes historiques pour ne s’occuper que de compassion.

« …or le pathétique ne donne pas les clés de compréhension du tragique de l’histoire . Ni les outils politiques pour tenter d’en infléchir le cours. Il submerge et empêche plutôt de réfléchir. Il ouvre ainsi la faille dans laquelle viennent littéralement s’abîmer et se perdre les nécessaires combats contre toutes sortes d’injustices et d’inégalités . »p.239 

 

Nous avons terminé avec un ouvrage féministe, écrit par une Burkinabé, Assita Kanko, qui vit à Bruxelles où elle est cadre d’entreprise, conseillère municipale à Ixelles. La deuxième moitié fait le point sur tous les combats qu’il faut mener en Europe et dans le monde pour que le premier des droits de l’homme soit reconnu :

« tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

et d’examiner successivement le gendercide, l’intégrité physique, les mariages précoces, les captivités maritales, la polygamie…Le dernier chapitre est le point d’orgue, « les femmes, le travail et le pouvoir ». C’est un livre très revigorant à notre époque, une époque où les féministes se font beaucoup moins entendre en dehors des provocations des Femen.

 

Notre actualité littéraire était riche, et donc ce compte rendu est lui aussi étoffé. J’en suis désolée.

Rendez-vous le 17 février avec La fin de l’Homme Rouge de Svetlana Alexievitch et une relecture d’un roman de Daphné du Maurier, pourquoi pas, Rebecca ?

 

 

 

 

 

 

 

 

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