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Procope2009
12 décembre 2015

Axe Nord-sud, en allant au théâtre.

 

Ce mercredi 8 décembre, un  premier étage un peu plus fréquenté : Beaubourg retrouve son animation de fin de soirée et il semblerait même que les gens préfèrent maintenant l'étage à la terrasse....

 

Sans nos deux Nathalie et sans Christiane, qui nous a rejointes en soirée, nous avons parlé de nos lectures centrées sur Agnès Desarthe et Laurent Seksik, des auteurs que nous découvrions avec plaisir mais non sans esprit critique.

 

Agnès Desarthe, la fille de.... , ou la femme de...., ou encore la sœur de….,  est un écrivain passionnant qui développe depuis une vingtaine d'années une œuvre romanesque originale dont le dernier titre,  Ce Coeur changeant, n'a pas été présenté cette fois-ci. 

 

J'avais lu Dans la nuit brune et Une partie de Chasse, deux beaux romans qu'on lit un peu comme des fables, par la simplicité du ton, la fraîcheur des points de vue et par la force des symboles.

 

Dans La nuit brune, prix Renaudot des lycéens en 2010, raconte la renaissance de Jérôme, agent immobilier. A travers le terrible deuil qui frappe sa fille et qui interpelle tout le village, choqué par la mort violente du jeune Armand, il découvre le mystère de ses origines d'enfant trouvé.

Avec l'aide de l'inspecteur Cousinet, qui mène une double enquête, sur les parents adoptifs à présent décédés de son ami, et sur la mort d'Armand (et de façon plus générale sur la disparition des jeunes de la région), Jérôme part dans la nuit brune de l'inconscient, à laquelle il accède par des associations de mots, des émotions profondes libérées par le chagrin de sa fille, qui agit comme révélateur, mais aussi par la proximité et l'expérience de la forêt où il passa les trois premières années de sa vie d'enfant sauvage. L'arrivée dans sa vie d'une femme "naturelle", une Anglaise excentrique, l'aide dans ce travail très déstabilisant sur lui-même. 

 

Une Partie de Chasse (également primé en 2012, prix littéraire 30millions d’amis) nous emmène aussi en forêt avec ses grottes, ses fourrés, ses galeries souterraines, ses animaux chassés par l'homme, sa sauvagerie effrayante, puis sa protection salvatrice. 

 

Tout est silencieux autour du groupe des quatre chasseurs dont fait partie Tristan, le rêveur, "le jeune" , le marginal, en stage d'intégration selon le souhait de sa compagne qui a obtenu sa participation au groupe de ces "chasseurs bien français".

Dans le silence, entrecoupé par les propos virils de la petite bande, s'élèvent des voix intérieures, celle du lapin, légèrement blessé et couché dans la gibecière, inconsciemment sommé de ne pas mourir, et celle du jeune homme qui ne veut pas être là pour tuer. Des voix "pures" qui dialoguent sur les destinées animales et humaines, sur la dépravation humaine, sur la sexualité...

Tout dérape soudain, l'accident inattendu de la chute d'un chasseur, le tête à tête forcé du jeune Tristan et de l'accidenté, après le départ des deux autres en quête de secours, la plongée dans les entrailles de la terre, le monstrueux orage qui s'abat sur la région, qui met en miroir les deux groupes - celui des accidentés et celui des sauveteurs rejoignant les villageois qu'il va falloir aussi secourir, menacés qu'ils sont par les eaux en furie - . 

Certaines situations, telles que le sauvetage d'un bébé, petit paquet accroché à une branche au-dessus de la rivière en crue, le village détruit, fonctionnent comme autant de métaphores de la vie à reconstruire sur des bases assainies pour le jeune Tristan, définitivement délivré de son passé et du secret de famille qui a pourri les assises de sa jeune vie.

Les mécanismes psychiques sont clairement démontés, ce n’est qu’un des mérites de ce roman haletant où les personnages ne s'appartiennent plus et sont privés des ressources de la raison, et des défenses qu'ils ont mises en place.

 

L'exercice de la médecine de Laurent Seksik a été présenté par Danièle qui a apprécié la construction de ce roman se déroulant sur des époques et des lieux différents (au XIXème siècle dans un shtetl de la Russie tsariste, dans la première moitié du XXème siècle à Berlin, puis à Nice sous l'Occupation) mettant en  scène les différentes générations d'une même famille, exerçant tous la médecine comme un sacerdoce, sauf l'un d'eux au destin contrarié par la barbarie nazie, qui devra renoncer à son désir d’être chirurgien, pour choisir la psychiatrie). 

Toutes ces vies, dangereusement et passionnément remplies à des époques troublées par les pogroms ou persécutions, se reflètent au présent  dans la conscience et le destin de la dernière de la lignée,  une jeune femme cancérologue, Lena Kotev, qui veille anxieusement sur son père âgé à qui l'on trouve une tumeur et qui décède en peu de temps. 

 

Je suis d'accord avec Danièle et Nathalie (L) pour saluer le propos du livre, la précision, l’utilisation très juste de la documentation - jamais pesante - tant pour ce qui est de la médecine, que pour le cadre historique mis en place aux différentes époques, le style alerte et efficace.

 

Là où l'auteur a plus de difficultés, c'est avec la psychologie de Lena, la dernière de la lignée. Le personnage ne s'impose pas du tout, sinon par son côté dépressif, bien évident, mis sur le compte d’une déception amoureuse. 

Un chef de clinique caractériel lui dévoile une des clés de sa vocation et de son changement d'orientation (d'abord psychiatre, elle a opté pour la spécialité de la cancérologie) et il lui dit " si vous êtes un bon cancérologue c'est que vous aimez la souffrance". Mais cela n'est pas suffisamment considéré, sans doute pour ne pas verser dans le pathos ( ?) 

 

Les indications données ne permettent pas de comprendre l'exercice quotidien de la médecine dans le cadre d’un grand hôpital pour ce qui est de l’aspect purement humain du traitement de la souffrance ou de lutte contre la maladie, alors qu’on le voyait beaucoup mieux pour l’arrière-grand-père appelé par les Cosaques au chevet du gouverneur abandonné,  comme auprès des pauvres villageois, ou du grand-père, dans son cabinet de Nice, protégeant ses patients âgés des brutalités de la Gestapo : tous deux savaient tisser avec leurs malades une profonde relation, engageant aussi par leur art, le processus de guérison.

 

La vie personnelle de Lena semble peu épanouissante, axée sur la relation au père et l’angoisse de sa disparition prochaine, et la culpabilité devant l’extinction de la lignée qu’elle n’a pas su prolonger. Dans les relations sociales, affectives, c’est un personnage très souvent dans le retrait dont on cerne mal l'intériorité.

Nous attendons d'autres livres de Laurent Seksik (nouveau Tchekhov, qui sait?)

 

Nous avons prévu de nous revoir le 20 janvier autour d'une biographie de votre choix si vous le voulez bien.

- Celle de Pasteur d'Eric Orsenna, La vie, la mort, la vie.

- Celle de Daphné Du Maurier  de Tatiana de Rosnay, dont parle Annick

- Celle de Claude Monet que lit Daisy? Claude Monet une vie dans le paysagede Marianne Alfant ? (il y en a d’autres)

- Annick avait précédemment parlé d’un roman de Vargas LLosa, qui contait la vie de Gauguin et de sa grand-mère Flora Tristan, Le Paradis, un peu plus loin.

 

Ce sera votre choix...Il y a des façons différentes de raconter une vie, d’utiliser des recherches et d’intéresser le lecteur...

Profitez aussi des beaux livres que vous recevrez pour Noël et que vous pourriez recommander. Il y a, par exemple, de nouvelles éditions illustrées d’Alice au Pays des Merveilles, livre dévolu à tort aux enfants.

Deux titres paraissent également intéressants, Leila Mahi 1932 dont Christiane connaît l’auteur, Didier Blonde, et qui a fait l’objet de l’actualité littéraire, à juste titre puisque ce livre a reçu le prix Renaudot 2015.

Un autre livre éveille ma curiosité, c’est L’Intérêt de l’Enfant de Ian McEwan, écrivain anglais, qui met au centre de son roman le personnage du juge et non pas celui de l’assassin ou de la victime…

 

Joyeuses fêtes à toutes, 

 

Tournons la page ineffaçable de cette « annus horribilis », 

 

Hélène 

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