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Procope2009
17 octobre 2015

Colm TOÍBÍN Soirée mémorable qui commença autour

Colm TOÍBÍN

 

Soirée mémorable qui commença autour de deux tables rondes, se poursuivit à six autour d'une seule table (que notre voisin crut dotée de pouvoirs surnaturels), se termina dans une obscurité bien orchestrée pour nous obliger à sortir nos picaillons que nous ne pouvions plus apercevoir si bien qu'il nous fallut l'aide des torches des portables pour réunir la somme demandée. 

 

Danièle a parlé in extremis de Karpathia de Menegoz, (qu'Annick avait lu auparavant) avant que ne s'éteignent tout à fait les lumières, dans un clair-obscur très inspirant pour évoquer cette région de vampires. Pour ce premier roman, Menegoz a reçu le prix Interallié en 2014, et fut salué à juste titre par la critique, car cette fresque historique (pour laquelle l'auteur d'origine hongroise s'est longuement documenté à la bibliothèque de Vienne) se passe en 1833 en Transylvanie, alors dans l'empire austro-hongrois, mosaïque de peuples (Valaques, Magyars, Saxons...), qui "s'interpénètrent " à la faveur de frontières incertaines tout en vivant dans des villages séparés dans un total communautarisme. C'est le propos du livre de rendre compte de cette complexité du peuplement dans les Balkans, et de la poudrière que cela représente. 

Mais ce livre est un roman et la narration est construite autour de l'installation d'un jeune couple qui quitte Vienne pour s'installer en Transylvanie dans le château du domaine familial  (même topos que chez Sandor Maraï, dans Les Braises, vous souvenez-vous ? où l'on emmène la jeune épouse dans le château du domaine, dans une région reculée, mais en Hongrie),  domaine situé dans une vallée, celle de la Korvanya, région imaginaire de lacs, forêts et montagnes. Le nouveau maître veut restaurer la splendeur passée et à force d'entêtement, de décisions mal inspirées loin des préoccupations locales, ira droit au désastre. 

Danièle nous a donné envie de lire ce livre au style puissant, plongeant dans le passé, à la Tolstoï, à la Dumas. L'auteur, biochimiste de formation, croit "qu'une réalité objective existe et qu'on peut la décrire". Lecteur de Karl Popper, anti freudien et anti marxiste, il estime que les évènements (même historiques) sont le résultat de décisions individuelles, « qu'un groupe n'est qu'une somme d'individus et que chaque individu est responsable de ce qu'il fait. La plongée dans la violence collective n'est toujours que la conséquence d'actes individuels".

 

C'est Colm Tóibín qui fut au centre de nos discussions de lectures avec trois titres, L'épaisseur des Âmes ( recueil de nouvelles, intitulé en anglais Mothers and Sons), Brooklyn ( un roman) et Le Testament de Marie qu'en raison de ses 120 pages, j'avais proposé à notre dernière réunion. Marie, Annick et Danièle qui avaient surtout lu les deux premiers, ont évoqué cet univers étrange où la communication verbale est très limitée, fonctionnant par l'intuition, où l'on cultive le non-dit...où peu à peu les choses se mettent en place, comme dans Brooklyn, roman de l'exil, et de l'intégration.

" On a l'impression, a dit un critique du Times, de regarder un artiste peindre une toile, touche par touche, jusqu'à ce que le tableau achevé surgisse, bouleversant, sous nos yeux".

Pour le Testament de Marie, nous avons noté également cette difficulté des relations dans la "sainte"famille  qui est décrite, de parti pris, comme une famille normale, avec ses moments de paix (le rituel du shabbat) et ses moments de tension, y compris dans la vie publique de Jésus (dont le nom n'est jamais donné), lors des noces de Cana lorsque Marie se fait "remettre à sa place" ("femme, qu'y a-t-il de commun entre moi et toi?").

 

Distance de Marie par rapport à son fils dont elle n'approuve pas la vie publique, traînant derrière lui une horde d'égarés, dans une époque déjà troublée. Distance encore, lors du supplice effroyable sur la colline du Golgotha - décrit avec un réalisme certain - , enregistrant tout mais soucieuse surtout de sa survie.

 

Difficulté de relations également avec les deux apôtres, Jean et Marc, qui l'ont suivie à Ephèse pour recueillir son témoignage. Ils ne sont pas du tout en phase : eux veulent construire un récit autour du fils de Dieu, et de son incarnation, et elle, ne reconnaît pas sa nature divine et s'en tient à une vision des plus prosaïques de son parcours à travers la Judée.

 

Très grande solitude de Marie en fin de vie, à Éphèse, ne trouvant de réconfort que dans le temple d'Artémis dont elle a une statuette, et non pas à la synagogue, où dans la deuxième religion'révélée.

 

Le Testament de Marie (nouveau testament d'un autre style) de Colm Toíbín est une sorte de témoignage d'un témoin oculaire, qui veut désacraliser, démythifier. 

 

Couverture très dérangeante de ce petit livre de 120 pages, illustrant le silence dans lequel l'ont plongée les deux disciples : Marie est bâillonnée par une couronne d'épines.

 

Nous avons prévu de nous voir le mercredi 18 novembre autour du Héros Discret de Vargas Llosa, et de Boussole de M. Enard.

 

Pour finir comment ne pas mentionner la mort de MANKELL qui nous laisse cette fois définitivement orphelins de son commissaire Wallander qui sut nous charmer, quelques élèves et professeurs turgotins, parmi la foule de ses lecteurs fidèles ? 

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