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Procope2009
27 novembre 2022

Pour clôturer l'année, sentir avec Stefansson, comprendre avec

 

Notre point focal, ce mercredi 23 novembre, fut Jon Kalman Stefansson, dont certaines d’entre nous avaient lu la totalité de la trilogie : Entre Ciel et Mer, La tristesse des Anges, Le Cœur de l’homme…Mais pour la plupart, nous découvrons cet écrivain islandais contemporain avec un premier livre, Entre Ciel et Mer, dont nous apprécions la belle traduction due à Eric Boury. Pour sa part, Christiane a commencé son dernier roman (2022), Ton absence n’est que ténèbres (un narrateur amnésique est à la recherche de son identité et recueille les récits que lui livrent des êtres de rencontre sur leur passé…des récits qui dessinent l’histoire de l’Islande…)

Né à Reykjavik, le 17 décembre 63, Stefansson est un auteur reconnu dans la littérature scandinave (grand prix de littérature du conseil nordique). Il a obtenu en France, en 2022, le prix Médicis étranger, le prix Millepages pour D’ailleurs les Poissons n’ont pas de pieds (2013, Gallimard). C’est un romancier et un poète.

Certes, il parle de son pays, et des gens qui y vivent, dans un environnement sévère, difficile et dangereux, avec leur mentalité propre (rapport au corps, relations entre hommes et femmes, croyances…) en lien étroit avec la pauvreté, ou la profusion, de la lumière. Mais il ne fait pas du « folklorique ».

 Il atteint l’universel par son étude du cœur humain et des besoins vitaux de l’individu, sécurité, amour, donner du sens à l’action…Ainsi dans Entre Ciel et Terre, nous découvrons la vie difficile des pêcheurs islandais, au XIXème siècle, leur rapport à la mer, leur lutte quotidienne tout simplement pour rester en vie, leur besoin profond de liens, amour, amitié. Tout cela leur apparaît nettement, grâce à la poésie, par la lecture du Paradis perdu de Milton. « Nulle chose ne m’est plaisir en dehors de toi » : un vers qui dit tout pour Barour, pêcheur à la morue, un vers qui le renvoie à l’absente, Andrea, un vers qui l’obsède au point de lui faire oublier ses réflexes vitaux, comme emporter la vareuse de cuir qui, en mer, le protègera du froid.

Nous avons parlé de la puissance de la nature obtenue, non pas par des descriptions ciblées du paysage, dont les éléments s’imposent pourtant à nous ; mais par le ressenti du personnage dans son action :

      - descendre de la montagne,

      - remonter la barque sur une grève,

      - souquer ferme en mer,

      - observer le ciel sur les lieux de pêche, les eaux pour trouver les

        bancs de morue, 

      - manger et de dormir dans le baraquement, non loin de la grève…

Cela donne beaucoup de présence aux lieux, comme aux personnages. Quelqu’un a dit (Christiane, je crois) que les personnages, et la nature, étaient à la fois poétiques et « crus », comme on dit en picard, c’est-à-dire précis, sauvages.

Il fut aussi question de George Eliot, la romancière anglaise du XIXème siècle, que nous avons apprécié dans Middlemarch, ou dans Le Moulin sur la Floss. Il s’agissait pour moi de présenter en deux mots, son long et dernier roman, Daniel Deronda, paru en 1876. Chose difficile car c’est tout un monde qui nous est dépeint là, avec deux pôles principaux : le personnage éponyme, Daniel Deronda, pupille de Sir Hugo Mallinger, et Gwendolen Harleth une belle jeune fille, enfant gâtée par sa mère, veuve qui vit désormais à la campagne, auprès de sa sœur, épouse d’un pasteur, et de toute sa famille.

Les deux jeunes gens se rencontrent incidemment au début et se retrouveront à plusieurs reprises. Toutefois , l’auteure batit autour de ces deux figures, deux intrigues propres : Daniel est à la recherche de ses origines, qu’il perçoit peu à peu dans diverses circonstances et rencontres, avant de l’apprendre explicitement de la bouche d’une mère qui l’a abandonné tout petit, le confiant à Sir Hugo (qui a eu pour charge d’en faire un parfait gentleman anglais), lui refusant délibérément la connaissance de ses origines juives qu’il assumera, adoptant même les nouvelles idées sionistes ; Gwendolen, pour sa part, fait un mariage d’intérêt pour sauver sa mère - soudainement ruinée - de la misère et se retrouve sous l’emprise d’un mari dominateur et sadique, le neveu, et futur héritier de Sir Hugo, Henleigh Grandcourt. Les deux intrigues interfèrent de temps à autre, pour se séparer définitivement avec le veuvage et la solitude de Gwendolen, puis le mariage de Deronda avec une jeune juive, Mirah, qu’il avait sauvée de la noyade, et qu’il emmène alors, en voyage en Palestine.

Il faut à nouveau apprécier la force de ce monde fictif créé par George Eliot et la finesse de son analyse dans tous les domaines, psychologique, économique, moral, philosophique…Comme tous les romans précédents (l’œuvre est à présent dans la Pléïade), un roman passionnant et très abouti.

 

Simone a parlé parallèlement d’un autre auteur, le Franco-Italien, Giuliano de Empoli, qui a écrit en langue française, le roman, actuellement très demandé, Le mage du Kremlin. Ce livre, qui nous explique un peu mieux les arcanes du pouvoir russe et qui contribue à éclairer le conflit actuel en Ukraine, va circuler entre nous. Nous pourrions en parler la fois prochaine avec un autre livre, sur le même sujet (mais si la lecture en est captivante, ce n’est pas un roman). Il s’agit du livre de Catherine Belton, Les Hommes de Poutine.

Mais nous voulons surtout découvrir le nouveau livre de Yan Lianke dont nous connaissons un peu l’œuvre romanesque (Servir le Peuple, Bons baisers de Lénine, Le rêve du Village des Ding, Les Jours, les mois, les années…), ELLES, chez Picquier, traduit par notre ancienne collègue, Brigitte Guimont.

Nous nous verrons le mercredi 11janvier de la nouvelle année…

 

 

 

 

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