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Procope2009
28 juin 2015

Juin 20015 aux Tuileries

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    Pour la troisième fois,  juin aux Tuileries. 
  2. Pas de spectacles étonnants cette année au bord du bassin, en dehors de l'arrivée d'un garde courroucé chassant un couple bien sage, assis sous un arbre, mais sur la pelouse interdite; ou encore, cette statue de lionne chevauchée par un de nos voisins beaucoup plus sobre pourtant, mais qui connut là son petit moment de folie. Regardez comme Marie dans l'ombre, se penche vers nous pour le dénoncer !
  3. De quoi, paraît-il, enrichir la collection de notre voisin du Beaubourg, qui recense toutes les statues de lions parisiens.
  4. Ce fut un bon moment. 
  5. Les livres au programme ( Vie et Passion d'un gastronome chinois de LU WENFU, et La Bascule du Souffle de Herta MÜLLER) ont été plusieurs fois invoqués, évoqués sans retenir pleinement notre attention. Il faut dire que nous étions sollicitées par notre buffet campagnard et que ces deux livres, qui pourtant abordaient le thème de la nourriture, en montraient les plaisirs ou les souffrances dans l'excès ou de la privation.
  6. Le premier met en scène la lutte des classes, caramélisée dans la casserole d'un grand restaurant de Suzhou, "la Venise chinoise". Deux hommes, l'un, bourgeois rentier -fin gourmet- et l'autre, issu du peuple -devenu directeur du grand restaurant-, s'affrontent à différentes reprises au gré des différents changements politiques du XXème siècle en Chine, en raison de leur passion de la gastronomie locale, patrimoine culturel à sauvegarder et à transmettre, par gourmandise ou par nécessité politique. 
  7. Le propos de l'auteur dans ce livre, est loin d'être anecdotique : la cuisine est l'un des aspects majeurs de la civilisation et savoir l'apprécier et la préparer relève d'un art de vivre qu'ont développé les civilisations les plus raffinées. Il suffit d'observer les pratiques culinaires des Chinois, l'importance qu'ils savent donner en ville, à la recherche et à l'achat des aliments, puis à la confection d'un repas, leur art de mêler dans un même repas, saveurs et textures en bouche, dosage de l'amer, du sucré et du salé...
  8. Cette palette de goûts et la variété des situations de dégustation, sans parler de la richesse des plats typiques, qu'ils soient faits au restaurant ou dans la rue,  ont dû parfois poser des problèmes de traduction en français. Même si l'auteur rappelle qu'il existe deux grandes cuisines, la française et la chinoise, les registres et les goûts ne sont pas les mêmes dans les deux langues. Ainsi, même si l'on tient compte de la volonté dépréciative du narrateur, le terme "se goinfrer"  au début du livre, pour désigner les fines agapes du bourgeois gastronome, m'a paru inapproprié. Comment trouver le terme, compromis entre le caractère compulsif et le caractère exploratoire de l'acte de manger? Ni goinfrer, ni bouffer, ni s'empiffrer, ni avaler...Plutôt goûter? Déguster? Faire un gueuleton...?
  9. Dans ce petit roman qui ménage une progression, de l'opposition des deux personnages, jusqu'à leur bonne entente célébrée dans le banquet final, l'auteur met beaucoup de lui-même, de son attachement à sa ville natale, de sa connaissance et de son goût de la cuisine, ses souffrances de condamné politique, tout cela étant bien plus développé dans un autre roman, plus étoffé, Nid d'hommes, qui se passe aussi à Suzhou.
  10. Il faut rappeler que l'auteur, LU WENFU, demeure toujours à Suzhou, mais que sa santé est très dégradée à la suite des souffrances, privations, condamnations, exils dans d'autres régions, que lui valut sa condition d'écrivain sous la révolution culturelle. Il n'écrit plus beaucoup à présent.
  11.  La Bascule du Souffle d'Herta Müller, Roumaine germanophone, prix Nobel 2009, se situe à l'exact opposé du gastronome chinois pour qui la vie s'ordonne autour de l'acte de bien manger. Le jeune narrateur de ce roman inspiré en partie par les notes d'un ami disparu, le poète Oskar Pastior, relate sa survie au Goulag, en trompant de mille manières "l'Ange de la Faim", qui le tourmente jusqu'à la bascule du souffle presque, jusqu'à la mort qui le talonne sans l'atteindre.
  12. La vie quotidienne au camp est décrite à partir des objets environnants que le jeune homme doit affronter dans les différentes tâches qui lui sont assignées à la cimenterie, à la cokerie, au village dans les travaux des champs, à la mine...Ces objets environnants sont menaçants, mais le garçon se nourrit des différentes odeurs, des sensations qu'ils suscitent en lui et qui le détournent un instant de la sensation de faim et de l'horrible dilemme qui se pose à lui aux deux repas ponctuant la journée de travail : tout manger ou mettre un morceau de côté, y compris l'insipide breuvage du soir, appelé "soupe au chou", dont le stockage en deux bouteilles, faillit lui coûter la vie, lors d'une fouille suivie d'une convocation chez le commandant du camp, intrigué. 
  13. Gestion des maigres ressources alimentaires, gestion des objets "inutiles"apportés de la maison dans la valise, qui peuvent faire l'objet de trocs pour obtenir le sel et le sucre. Mendicité systématique. "Recyclage" des morts, dont on récupère les vêtements ouatinés, et les cheveux pour faire des coussins...Entre prisonniers, échange des rations alimentaires, dans l'espoir d'une meilleure part...Voilà les préoccupations constantes du jeune narrateur qui nous apprend dans les derniers chapitres, son retour miraculeux dans sa famille qui ne l'attendait plus. Mais il ne sera jamais le même, un ressort vital s'est cassé en lui
  14. Il ne s'agit pas vraiment d'une chronique sur la vie dans les camps, comme peut l'être, à sa façon, Une journée d'Ivan Denissovitch de Soljenitsyne. 
  15. Dans le livre d'Herta MÜLLER, les prisonniers sont englués chaque jour dans une recherche constante, obsessionnelle de nourriture, qui leur fait perdre toute notion du temps. Tout au plus, le narrateur note-t-il que c'est le troisième hiver...Il s'agit juste pour lui de rester vivant un jour de plus, contraint au plus profond de lui, par la parole d'adieu de sa grand-mère "je sais que tu reviendras".
  16. Livre étonnant par son absence de pathos, par la vision poétique des objets et des tâches, on est dans une sur-réalité qui est parfois déroutante. Marie, Danièle et moi, nous avons bien aimé ce livre...D'autres l'ont lu?
  17. Nous avons prévu de nous voir fin septembre (fixerons-nous le 23 pour ménager un délai convenable avec la rencontre d'octobre, ou le 30 pour attendre les vacanciers de septembre?) avec quelques lectures d'été, La Cavalerie rouge d'Isaac BABEL, Le Christ s'est arrêté à Eboli de Carlo Levi, Karpathia de Menegoz.
  18. D'ici là passez un bon été!
  19. Pour les romans policiers, je recommande chez Actes Sud Noirs, l'Ile aux Oiseaux...Si vous avez d'autres titres ajoutez votre grain de sel!

     

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