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Procope2009
25 mai 2019

Mai, presqu'au complet!

 

 

Ce mercredi, au café Beaubourg, moins accueillant que d’habitude, nous avons parlé de nos lectures, principalement de celles que nous avions mises au programme, Amos Oz et son Histoire d’Amour et de ténèbres que nous avons relu avec le même plaisir et le même intérêt. Nous avons souligné sa grande humanité et dit combien était unique son style où l’humour se mêle à la tendresse pour parler des siens; unique aussi sa grande précision pour poser le cadre géographique et historique, où intervient parfois un grand sens poétique dans l’évocation vivante d’un Orient dépaysant. Et sans parler de son immense culture…

 

Nous avons ensuite abordé Margaret Atwood, auteure canadienne anglophone contemporaine, et deux de ses romans.

 

Ce fut d’abord La Servante écarlate, livre que nous avions lu, Christiane et moi.

Une brève remarque sur le titre,The Handmaid’s Tale (1985), dont se démarque le titre en français, La servante écarlate (1987) en référence à un célèbre roman américain, La Lettre écarlate de Nathaniel Hawtorne, écrit en 1850, se déroulant dans les temps reculés (XVIIème siècle) de la Nouvelle Angleterre puritaine qui sert également de toile de fond à Margaret Atwood dans son roman dystopique, La Servante écarlate.

Pourtant l’action de ce roman se passe dans une ère post-moderne, après une catastrophe, probablement nucléaire, aux conséquences multiples, dont l’instauration d’une dictature d’inspiration fondamentaliste chrétienne aux États Unis – et c’est là que nous retrouvons ce puritanisme des premiers temps de l’Histoire des Etats Unis - , devenus la république de Gilead dont les lois et le fonctionnement sont dictés par les préceptes de l’Ancien Testament.

Une autre conséquence dans cette dictature religieuse est l’asservissement des femmes qui, du jour au lendemain, après les jours de trouble qui suivirent le coup d’état militaire, ne peuvent plus rien posséder, à commencer par leur compte bancaire déplacé vers celui d’un homme, mari, père ou frère.

Et enfin, conséquence tout aussi grave, la baisse de la fertilité humaine qui entraîne une autre organisation sociale autour de la reproduction de l’espèce avec le viol ritualisé des Servantes, que l’on nomme La Cérémonie.

Mais ce roman ne se contente pas d’une peinture sociale, il met en scène une héroïne, June, appelée Defred (du nom de son Commandant), qui fait un récit à la première personne (dont nous saurons dans l’épilogue que c’est une retranscription de bandes magnétiques qu’elle a pu enregistrer et que l’on a retrouvées longtemps après les faits).

Le personnage évolue de la peur paralysante à l’émancipation, rejoignant le réseau Mayday qui tente d’organiser une résistance à la dictature.

Margaret Atwood livre là un très beau portrait de femme, soignant l’étude psychologique de toutes les femmes du livre, alors que les personnages masculins, dont le Commandant, ou le mari perdu ou le chauffeur Nick, restent sommaires.

 

Annick n’a pas trouvé ce livre particulièrement bien écrit. Christiane et moi insistons sur la puissance évocatoire du personnage principal dont la vie intérieure est d’une grande complexité et d’une grande richesse, nourrie par ses souvenirs et ses deuils, ses regrets concernant sa mère féministe qu’elle ne comprenait pas alors, son intelligence, son sens de la stratégie pour survivre...

La narration est originale puisque la parole de la servante est retranscrite de façon éclatée (l’ordre adopté des chapitres n’est pas garanti comme étant celui des enregistrements) ; puisque son histoire est enchâssée dans le récit postérieur d’un conférencier, spécialiste universitaire de l’époque giléadienne, qui donne à lire ce qui est considéré comme un document avec beaucoup de distance et de mises en garde.

Un livre inquiétant, captivant…

Comme le fut encore plus, le deuxième roman de Margaret Atwood, Captive, lu par Danièle et Marie.

 

 

 

 

 

Inspiré par un fait divers qui s’est produit en 1859 et qui bouleversa le Canada, Captive, met en scène une prisonnière, Grâce Marks qui s’étiole dans un pénitencier canadien, depuis l’âge de 16ans où elle tua, peut-être, deux personnes lorsqu’elle était domestique dans une grande maison. Personne ne sait si elle est coupable, innocente, ou folle.

Ayant donné lors du procès trois versions différentes des faits, Grâce s’est murée dans le silence, dont elle sortira au fil du temps, en acceptant de répondre aux questions du Dc Simon Jordan qui veut savoir et qui a su gagner sa confiance. Elle ne lui paraîtra ni démente, ni criminelle.

Mais elle lui tait les rêves troublants qu’elle fait la nuit. Ce roman analyse la complexité, l’ambiguïté de la jeune femme en même temps qu’il montre le lien ténu entre vérité et mensonge. Comme dans La Servante écarlate, il livre un beau portrait de femme qui connaît, même dans sa prison, une évolution. C’est ce qu’ont souligné Danièle et Marie qui ont bien aimé ce livre.

 

Il apparaît dans ces deux romans comme dans toute son œuvre, que Margaret Atwood est une auteure engagée pour la cause du féminisme. Elle a reçu de nombreuses récompenses pour son œuvre abondante et ses engagements humanistes : elle a raté le prix Nobel, attribué en 2013, à sa compatriote, Alice Munro,

 

Nous avons terminé par Le mur invisible de l’écrivaine autrichienne, Marlen Haushofer (1920-1970). Écrit en 1968, traduit en français en 1985, c’est son roman le plus célèbre.

Il se présente comme le journal de bord d’une femme ordinaire qui se retrouve seule dans un chalet de montagne où elle devait passer quelques jours avec des amis. Mais ces amis, avec qui elle est venue et qui la quittent pour un temps, ne reviendront pas de leur promenade au village voisin, en raison d’une catastrophe qui semble avoir exterminé une bonne partie de la planète et n’a laissé en vie qu’une portion étroite du territoire, située plus haut dans la (les ?) montagne(s). Un mur invisible sépare désormais ce monde encore vivant d’un monde figé, désormais mort, que l’on aperçoit sans pouvoir le rejoindre.

Comme Robinson sur son île, cette femme doit organiser sa vie, sa survie, avec les seules ressources du chalet (assez limitées, mais quelques outils et quelques plants s’avèrent précieux) et de son mental. Elle se sent également responsable de la vie des animaux qui par hasard se sont retrouvés près d’elle : le chien du maître, la chatte qui aura deux fois des petits, et la vache Bella qui aura un veau. Autour d’elle, c’est la nature sauvage avec ses animaux.

« J’ai entrepris cette tâche (de l’écriture) pour m’empêcher de fixer yeux grands ouverts le crépuscule et d’avoir peur. Car j’ai peur. La peur de tous côtés monte vers moi et il ne faut pas attendre qu’elle m’atteigne et me terrasse. J’écrirai jusque la nuit tombe et jusqu’à ce que ce travail dont je n’ai pas l’habitude me rende somnolente, la tête vide. Ce n’est pas le matin que je crains, mais les longs après-midi ténébreux. » (p10)

Malgré l’excellente postface de Patrick Charbonneau qui donne quelques pistes de lecture, le sens de cette fable reste énigmatique, mais ouvert.

« Oh lecteur(…), tu pourras t’appliquer à démonter le mécanisme du récit récurrent, trouver dans ton dépit des ficelles un peu grosses, pousser la mauvaise foi jusqu’à dire que, finalement, mis à part dans les premières et les dernières séquences, il ne se passe rien, ou pas grand chose, ou toujours la même chose, ta critique exprimera ta frustration d’avoir achoppé devant l’irréductible. Alors, si la curiosité t’aiguillonne, tu voudras en savoir plus sur l’auteur, tu liras ses autres œuvres et constateras que si elles résistent à l’interprétation, c’est sans doute qu’elles sont au sens le plus noble du terme, « autobiographiques » et plongent dans les profondeurs du mythe et de l’inconscient » (p326)

Deux clés d’interprétation sont proposées : l’une  a trait au contexte historique du nazisme, sans que P.Charbonneau en fasse grand chose ; l’autre plus efficiente, touche à la psychanalyse montrant que dans ce récit, tous les sujets masculins sont exterminés, ne survit que l’élément féminin, la narratrice, la chatte et la vache.

Allez-y, lisez-le, vous m’en donnerez des nouvelles !

Et peut-être en ferez-vous votre meilleur livre de l’année, puisqu’il en est question sur une proposition de Nathalie.

 

Un prix des lectrices comme j’en avais parlé l’an dernier, avec une justification, Annick, comme il se doit !

Pour le 19, ou le 20, ou le 26 juin… Les jeux sont ouverts, semble-t-il !

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