Novembre, auprès du feu et des livres resserrons-nous8
Au Café Beaubourg, ce mercredi 8 novembre, nous avons parlé de :
- Ian McEwan,
- des lectures de Marie concernant une auteure turque, Asli Erdogan,
- de l’Art de perdre d’Alice Zeniter, présenté par Annick ;
nous avons abordé Kazuo Ishiguro et ses Nocturnes, recueil de nouvelles lu par plusieurs d’entre nous.
Et nous avons parlé…parlé… parfois de lectures passées comme Un pays à l’aube de D. Lehanne, parfois de l’actualité en ce qui concerne le mouvement de dénonciation des femmes de toutes professions sur le harcèlement sexuel ; parfois de grandes questions qui préoccupent, comme l’accueil des « sans-papiers » ; ou encore… ?
Venez à mon secours car je n’avais pas de magnétophone !
L’intérêt de l’enfant de Ian McEwan a beaucoup intéressé le cercle des lectrices, qui découvrait le travail d’un juge, sa façon d’instruire un dossier, de procéder pour élaborer un jugement, les interférences avec sa vie personnelle, notamment la crise que traverse son couple.
Où se trouve « l’intérêt de l’enfant » dans cette affaire qu’elle doit juger? Autoriser, ou pas, une transfusion interdite par la religion des Témoins de Jéhovah? Il s’agit de sauver une jeune vie, prometteuse, tant le garçon montre d’aptitudes pour la poésie, pour la musique. Après une visite à l’hôpital où la juge mesure par elle-même le degré de conviction (dans ses croyances religieuses et dans sa décision de refus de la transfusion) du jeune, où la musicienne qu’elle est, se met à chanter – à la grande stupéfaction de l’assistante sociale présente -, accompagnée par le jeune Adam au violon, un poème de Yeats (mis en musique par B.Britten), Down by the Salley Gardens, elle rend un jugement pour le moins surprenant. Le lecteur, qui l’avait suivie dans ses réflexions sur le respect des convictions religieuses et la liberté de pensée, est surpris devant sa décision finale d’autoriser la transfusion.
Mais qu’en est-il de cette liberté de pensée, du libre-arbitre ? C’est la question que pose le livre, pour Adam comme pour la juge.
L’auteur garde, à travers le point de vue omniscient adopté, une hauteur de vue qui lui permet d’embrasser tous les aspects de la pensée du personnage principal, Fiona May, dont il restitue avec justesse le flux mental.
Et qui lui permet aussi de montrer une grande technicité dans les problèmes traités, aussi bien juridiques que musicaux puisque Fiona, la juge, est aussi une musicienne avertie, au piano comme dans le chant lyrique.
Et que dire de la fin du roman où, apprenant le suicide du jeune Adam qu’elle a sauvé, ramené à la vie, puis rejeté dans sa demande de venir vivre chez elle, elle est submergée par sa culpabilité et par le chagrin : dans une crise de larmes, elle explique à son mari ce qui s’est passé et celui-ci trouve à la consoler avec beaucoup de tendresse. Leur couple semble réparé. Une fin cohérente, amenée par une grande complexité d’émotions diverses, et de sentiments, fort bien montrée.
Un livre qui nous donne envie d’aller plus loin dans la découverte de cet auteur dont le style et la façon d’écrire changent selon le sujet qu’il traite. Pourquoi pas L’expiation pour la prochaine fois ? Christiane en a commencé la lecture en anglais (Atonement).
Annick a parlé de L’Homme des Bois de Pierric Bailly, un récit de deuil sans pathos qui livre une évocation de la vie dans les campagnes françaises à notre époque.
Marie a ouvert son sac ( !) pour nous montrer plusieurs titres d’une romancière journaliste turque qu’elle aime beaucoup et dont le sort d’opposante a été heureusement médiatisé, ce qui lui a permis d’être libérée quatre mois après son arrestation. Il s’agit d’Asli Erdogan. Et il s’agit Du Mandarin miraculeux (des nouvelles), Les oiseaux de bois, Le Bâtiment de pierre, Le silence même n’est plus à toi.
Elle est éditée chez Actes Sud. Nous pourrions également la mettre à l’ordre du jour la fois prochaine. Libre à chacune d’aborder l’œuvre par les romans, ou par des chroniques, ou nouvelles. Le Bâtiment de pierre est consacré au monde carcéral et le dernier titre cité plus haut, doit l’être également.
Et Annick a sorti son joker, en me prêtant un livre demandé, promis et enfin là : Les Derniers Libertins de Benedetta Craveri dont nous avons lu d’autres titres, L’Âge de la Conversation par exemple, ou le livre sur Madame du Deffand et les salons. Mais il y en a d’autres, tous consacrés au XVIIIème siècle dont Craveri est spécialiste.
Ce livre, nous dit Annick, fait état de l’incroyable liberté de mœurs et de pensée accordée dans le mariage aux femmes aristocrates, dans les derniers feux de la monarchie. Ce n’est pas un livre d’histoire. C’est le roman « vrai » de sept destins, chacun emblématique et unique à la fois. C’est remarquablement écrit et l’on tombe immédiatement sous le charme de ce récit très bien documenté. Impossible, Annick, de laisser tomber ce livre ou d’en faire traîner la lecture…
Faut-il parler de Kasuo Ishiguro (très rapidement abordé) que certaines d’entre vous connaissaient déjà à travers Les Vestiges du jour et de l’adaptation qui en a été faite au cinéma, concernant la vie d’un majordome ? Ni Danièle ni Christiane ne semblaient transportées par ce livre.
Nocturnes, recueil de cinq nouvelles, nous a, dans l’ensemble, toutes intéressées par la finesse de l’observation, la fluidité de l’écriture, et la façon dont est traité le thème même de la musique.
La musique crée des liens entre musiciens, du partage, mais aussi de la jalousie, de la rancoeur devant l’inégalité du talent ou de la virtuosité. Ce sont surtout des musiciens de jazz (musique du soir ?) qui sont étudiés et les liens subtils qu’ils savent établir avec le public, les défis qu’ils se lancent à eux mêmes, l’égoïsme parfois où ils s’enferment pour mener une carrière toujours difficile et qu’ils veulent la plus longue possible.
Je vous propose, pour finir l’année, qu’on se voie le 20 décembre, avec Expiation de McEwan, et un livre d’Asli Erdogan. Si vous souhaitez parler du Prix Goncourt (E.Vuillard), ou d’un autre primé, pourquoi pas ? Il faudra nous donner envie de lire ces romans. Pour ce qui est de Chanson douce de Leila Slimani, je n’ai pu le lire…je n’en ai pas eu la capacité. Et vous ?
Autre proposition de ma part : et si en 2018 on relisait Tolstoï pour connaître un peu mieux son idéologie et ce qu’il apportait de nouveau en Russie à ce moment-là ? Il a écrit beaucoup, pas seulement Guerre et Paix…Et son journal ?